Lorsque l’on regarde une démonstration
d’aïkido, on voit souvent des projections dynamiques, et parfois
spectaculaires. Un mouvement est-il d’autant meilleur que uke est projeté haut
et fort ? Et finalement, est-ce que le but de l’aïkido est de faire faire
des sauts périlleux à son partenaire ? Sur un tatami, ce n’est pas un
problème, car uke a appris à chuter, et les tatamis amortissent les chutes,
mais dans la rue, une telle projection risque de blesser l’agresseur, ce qui
n’est pas forcément dans l’esprit de l’aïkido. Tori peut être parfois tenté de
réaliser une projection brillante, car cela flatte son ego, mais cela va-t-il
dans le sens que nous avons découvert il y a quelques semaines en étudiant le
logo de Maître Nocquet ? Est-ce ainsi que l’on va pacifier notre
partenaire ? Quelle attitude adopter alors pour arriver au résultat
escompté ?
La réponse tient dans cette lumineuse
phrase de Maître Nocquet : « Projetez votre cœur plutôt que votre
épée. » S’il y a en nous le moindre soupçon d’agressivité à l’égard de
uke, celui-ci le percevra, se sentira agressé, et nous rentrerons alors dans un
cercle vicieux dont il nous sera difficile de sortir. L’attaque de uke ne doit
rencontrer que du vide ; pas un point d’appui pour rebondir et continuer le
processus agressif. Il doit se sentir enveloppé, et avoir cette sensation que
nous avions en attaquant Maître Nocquet, à savoir que son attaque est
totalement inefficace, inutile. Il doit se sentir comme enveloppé dans du
coton, absorbé, accueilli, sans haine et sans jugement.
Une erreur à éviter quand nous portons
une technique d’aïkido est de tenir fermement notre partenaire. D’abord cela
crée en nous une crispation qui empêche un bon écoulement du ki. Ensuite cela
nous prive de notre liberté d’action, car en réalité, c’est celui qui tient qui
est prisonnier de ce qu’il tient. Cela peut nous faire perdre un temps
précieux, car si notre main est appelée à agir rapidement ailleurs, par exemple
pour parer une autre attaque, il faudra d’abord lâcher ce que nous tenons, ce
qui engendrera une perte de quelques dixièmes de secondes qui pourraient nous
être précieux. Et puis, enfin, une saisie ferme nous fait perdre en fluidité,
emprisonne le partenaire qui est tenté alors de se dégager de cette saisie de
manière violente.
Voilà pourquoi Maître Nocquet nous
conseillait de travailler le plus possible avec les mains ouvertes, de porter
les techniques comme des caresses. Pensez à sa fameuse technique de la
« patte de chat » pour contrôler les tentatives de saisie. Il nous
demandait également de n’avoir qu’une main à la fois sur le partenaire, l’autre
étant disponible pour balayer l’espace alentour et se consacrer le cas échéant
à un deuxième agresseur. Une main ouverte étant toujours prête à recevoir,
travailler ainsi nous donne une rapidité et une disponibilité remarquable.
Quand il s’agit de projeter son cœur,
les caresses ne sont-elles pas appropriées ? Si nous voulons pacifier
notre partenaire, nous aurons plus de chance de réussir en lui donnant de
l’amour et de la compassion plutôt que des punitions. Maître Ueshiba ne
disait-il pas « aïkido est amour » ? Alors, qu’attendons-nous
pour travailler dans ce sens ?
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